21 novembre 2014

Culture et pauvreté en Haïti

 56% de la population Haïtienne vit dans une pauvreté extrême. [1] Selon le Programme des Nations–Unies pour le développement[2] (PNUD), l’extrême pauvreté est caractérisée par l’incapacité d’un individu de satisfaire ses besoins alimentaires essentiels. Quel besoin peut satisfaire quelqu’un qui ne peut même pas satisfaire ses besoins alimentaires ? Plus de la moitié de la population haïtienne est confrontée à cette dure réalité. L’éradication du phénomène de l’extrême pauvreté nécessite une mobilisation urgente de ressources humaines et matérielles. Pourtant, la population ne semble pas trop alarmée face à l’aggravation de la situation économique du pays et l’augmentation du nombre de pauvres ? Cette situation n’est–elle pas suffisamment aberrante? Le 19 novembre dernier était la journée mondiale des toilettes. Dans les bidonvilles de la capitale, des dizaines de gens se partagent une toilette. Toutefois, certains d’entre eux vivent dans ce climat insalubre comme s’il s’agissait de leur habitat naturel. D’autres, s’efforcent en vain d’améliorer leurs conditions. Des questions se posent inévitablement face à ce constat. Pourquoi le pays compte-t-il autant de pauvres ? N’y existe-t-il pas une culture de pauvreté?

 Oscar Lewis en parlant de la culture de la pauvreté a touché un point sensible et controversé qu’il faut actualiser en Haïti face au développement de cette sous-culture au niveau des groupes vivant dans l’extrême pauvreté. Pour éviter d’avoir à prendre en compte les limitations du concept de culture de la pauvreté, notamment le fait qu’il est vu comme une mise en accusation des pauvres, ce concept ne servira pas de référence pour répondre à la question précédente. Ce qui suit n’est qu’un simple mis en rapport de la culture et de la pauvreté dans le cadre haïtien. La culture réfère entre autres aux « ensembles de phénomènes matériels et idéologiques qui caractérisent un groupe ethnique ou une nation »[3]. Haïti étant le pays le plus pauvre de l’hémisphère ouest ou l’un des pays les plus pauvres du monde, on peut conclure que la pauvreté est un de ces phénomènes qui caractérisent la nation Haïtienne, une étiquette collée au dos du pays depuis longtemps. Sur la base de cette définition de la culture et sur l’évidence de l’étendue et de l’impact de la pauvreté dans le pays, on est tenté de conclure que la pauvreté et la culturelle haïtienne sont intimement liées.

Un léger clin d’œil à l’histoire rappelle que des plantations et autres infrastructures de base furent détruites lors de la guerre de l’indépendance. En 1804, Haïti était indépendant mais  confronté à des défis économiques et structurels de taille.  Plus de deux cents ans après ces défis ne sont pas relevés. Ces manques, ces problèmes et défis se sont matérialisés avec le temps pour faire partir de notre réalité quotidienne et notre identité culturelle. En Haïti culturellement les enfants sont considérés comme une source de richesse. Les pauvres ont donc beaucoup d’enfants qu’ils n’ont pas les moyens d’élever. Un peu comme ces arbres que la tradition dans certaines régions du pays veut qu’on plante pour enterrer le cordon ombilical des nouveau-nés, la pauvreté grandit à mesure que ces enfants grandissent.  Beaucoup d’Haïtiens aiment s’habiller et exposer un bien-être qu’ils sont loin d’avoir. Ainsi dans un taudis vous trouverez de nombreuses paires de chaussures et de vêtements, des défrisants pour cheveux, des crèmes éclaircissantes etc. Contrairement à d’autres pays où il y a une culture de l’épargne et de valorisation de l’éducation, en Haïti, la tendance est à la survie au jour le jour et l’éducation puisqu’elle peut rarement aider à la mobilité sociale ne constitue plus un bon investissement pour les familles pauvres. Autant d’exemples qui prouvent comment nos valeurs, traditions et même notre culture favorise l’expansion de la pauvreté.

Par ignorance et par négligence, des familles haïtiennes n’alignent pas leurs dépenses avec  leurs moyens économiques. Elles font de mauvais choix qui jour après jour les enlisent dans la pauvreté extrême. Cette mode de vie qui se transmet de génération en génération devient partie intégrante de la culture du pays par conséquent la pauvreté se transmet comme un héritage culturel. Le pire, c’est que cette réalité est si familière que plus personne ne semble y porter attention. Dire que la culture haïtienne regorge de facteurs pouvant servir la lutte contre la pauvreté si on s’y attarde un peu.

11/20/2014

[1] https://www.unicef.org/haiti/french/overview_16366.htm

[2] https://etudesrurales.revues.org/68

[3]https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/culture/21072?q=culture#20950

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Commentaires

sandrellie
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compliments, superbe article

emmalucien
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Merci Sandrellie. Ma réponse est tardive mais elle vient du cœur :)

Stanley
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Ah ouais très bonne logique!